Le procès pour blanchiment de Saïd Chabane et des vrai-faux agents à Bobigny a repris, ce vendredi matin, par les réquisitions du procureur de la République, durant près de deux heures. Sur une tonalité grave et sévère, fidèle à lui-même depuis l'ouverture de l'audience lundi, le représentant du ministère public a réclamé une peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis à l'encontre de Saïd Chabane, propriétaire et ancien président d'Angers-SCO.
Concernant Jalal Benalla et Abdelkader K., scouts aux frontières floues, le procureur a requis, pour chacun d'entre eux, deux ans de prison, dont un avec sursis et un aménagement pour la partie ferme, ainsi qu'une interdiction définitive d'exercer le métier d'agent sportif et une interdiction de gérer pendant trois ans.
Quant à Lasana K., l'agent agréé, une peine de deux ans de prison, dont un avec sursis et aménagement de la partie ferme, ainsi qu'une interdiction d'exercice de sa profession et de gestion pendant trois ans ont été exigées.
Enfin, pour Abdelkader C., cinquième et dernier prévenu, une amende de 5 000 euros et une interdiction définitive d'exercer l'activité d'agent ont été demandées.
« Les procès ne tombent pas du ciel. Ils ne sont pas non plus le résultat de quelques fantaisies jaillies de l'imagination de l'autorité judiciaire »
Le procureur a également requis la confiscation des biens saisis à propos des personnes morales, à savoir JB Sport King (environ 308 000 euros), AK Sport Consulting (un appartement d'environ 150 000 euros) et Sport Total Consulting (environ 60 000 euros).
« Les procès ne tombent pas du ciel, a pointé le procureur. Ils ne sont pas non plus le résultat de quelques fantaisies jaillies de l'imagination de l'autorité judiciaire. En matière pénale, ils sont le résultat d'un constat, dans des circonstances le plus souvent improbables. Le constat que, dans notre société, des personnes physiques ou des entreprises ont franchi la ligne rouge des règles de base de la vie sociale. »
Et de dérouler son argumentaire : « On a compris qu'ils avaient une vision presque stupéfaite de ce qui leur arrive. Comme le lapin pris dans les phares. Ils ne comprennent pas ce qui leur arrive et ont cherché par tous les moyens de s'en sortir. Et voilà que le rêve est en train de se fracasser sur le mur de la réalité. »
Le procureur a notamment ciblé Abdelkader K., auteur selon lui de « déclarations d'une vacuité abyssale » et « inconsistantes sur le fond », et Jalal Benalla, « le géant débonnaire, qui a démarré avec beaucoup d'aisance et puis, l'effondrement total... ». « Ils se sont laissés prendre au mirage de l'argent facile. »
« Pour jeter en pâture la dignité et l'honorabilité d'un club et de son propriétaire, on doit être sûr de ce qu'on le dit et au moins avoir des éléments, ce qu'on n'a pas »
En début d'après-midi, dans une plaidoirie piquante et inspirée, Me Bernard Benaiem, avocat de Chabane, s'est étonné de ces « réquisitions inexistantes envers mon client ». « Deux heures de réquisitions, pas un mot sur M. Chabane, a-t-il opposé. De quoi s'agit-il ? Que lui reproche-t-on ? Pourquoi un président de club est devant vous aujourd'hui ? Cela restera un mystère. C'est regrettable. » Selon le défenseur, les éléments du dossier sont « purement hypothétiques, pour ne pas dire imaginaires ».
Pêle-mêle, Me Benaiem a cité un édito de Daniel Riolo dans l'After Magazine, son mentor Robert Badinter, l'ancien directeur juridique du SCO Valentin Harribey (« S'il y a eu complicité, c'est lui qui devrait être recherché »), la mère de Kylian Mbappé et son rôle de représentation auprès de son fils... « Cela ne semble gêner personne, comme s'il y avait deux poids deux mesures pour appliquer la loi. Une obligation pour ces gamins du 9-3, des cibles faciles, mais pas pour ceux qui ont réussi et sont intouchables. » Et conclure : « Pour jeter en pâture la dignité et l'honorabilité d'un club et de son propriétaire, on doit être sûr de ce qu'on le dit et au moins avoir des éléments, ce qu'on n'a pas. Alors, je suis sûr d'une chose : que votre tribunal relaxera M. Chabane. »
La décision sera rendue le 28 mai prochain.