Le Qatar aurait fait pression sur la police française pour protéger Nasser al-Khelaïfi

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Le 5 juillet dernier, les suiveurs et les fans les plus assidus du PSG avaient dû prendre leur mal en patience. Il avait fallu attendre pendant plus de deux heures avant que le live du club prévu pour la conférence de presse d'intronisation de Luis Enrique ne démarre, sans qu'aucune explication ne soit donnée. La raison était révélée le soir même, lorsque Mediapart annonçait que le président du club, Nasser al-Khelaïfi, qui tenait à être présent au Campus PSG, avait été interpellé à sa descente de l'avion et vu son domicile perquisitionné.

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Ces actions judiciaires ont eu lieu dans le cadre d'une enquête sur la détention au Qatar de Tayeb Benabderrahmane, ancien collaborateur du président du club. Ce Franco-Algérien avait été arrêté à Doha en janvier 2020 pour « espionnage pour le compte d'un État étranger », après que la justice locale a découvert qu'il s'était procuré, avec l'aide d'un ancien majordome, un téléphone appartenant à Al-Khelaïfi et rempli de données sensibles.

Il lui aurait ainsi été reproché d'avoir tenté de vendre ces informations pour 25 millions d'euros aux Émirats arabes unis. Autorisé à rentrer huit mois plus tard, le lobbyiste avait déposé deux plaintes et dénoncé une « détention arbitraire » et des actes de « torture », démentis par le Qatar. Ce qui n'a pas empêché la justice française d'ouvrir une information judiciaire pour « enlèvement », « séquestration avec torture et actes de barbarie » et « extorsion en bande organisée ».

Des appels qatariens aux ministres français

C'est dans le cadre de cette enquête que des policiers sont venus attendre Nasser al-Khelaïfi à l'aéroport du Bourget, à la sortie d'un jet affrété par Doha. Et ce lundi, Mediapart a révélé que le président du PSG n'aurait pas, comme il l'a prétendu, collaboré pleinement avec la justice. Lorsqu'il aurait appris la présence des forces de l'ordre, il se serait cloîtré derrière les vitres teintées de son appareil, laissant la parole à ses avocats.

Dans le même temps, le Qatar aurait envoyé une lettre au gouvernement français faisant valoir « l'immunité diplomatique » de son ressortissant, qui aurait été présent « en visite d'État » en sa qualité de « ministre » - qu'il est, même s'il n'a pas de portefeuille. Argument que n'auraient pas reçu les policiers, considérant qu'il était là en tant que patron du PSG, selon un document que Mediapart affirme avoir consulté.

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Arrive alors le secrétaire de l'ambassade, qui se serait montré « véhément » en clamant que cette opération était « illégale » en raison du « statut diplomatique » d'Al-Khelaïfi, selon ce même document. Il aurait assuré que son ambassadeur aurait appelé Catherine Colonna, ministre des Affaires Étrangères, qui aurait alors contacté Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, et aurait affirmé que les policiers allaient vite recevoir de « nouvelles consignes ».

Le refus de donner son téléphone

Le Quai d'Orsay, sollicité par Mediapart, a indiqué que la ministre « n'a pas reçu d'appel de l'Ambassadeur du Qatar en France dans le contexte de cette affaire ». Le ministère clame lui ne pas être « intervenu auprès du ministre de l'Intérieur [...] dans cette affaire, à quelque niveau que ce soit. » Gérald Darmanin, également sollicité par le site d'investigation, n'a pas répondu.

Devant la position inflexible des policiers, le président du PSG serait sorti de son avion après une heure et dix minutes de négociations. Il aurait accepté de dialoguer avec eux mais refusé de donner son téléphone portable, malgré l'injonction de ses avocats de le céder, affirmant qu'il lui est « indispensable pour le business ». Le secrétaire de l'ambassade en aurait alors remis une couche, selon le rapport des policiers. « Il nous menace de subir les foudres de notre ministre de tutelle [Gérald Darmanin - ndlr], qu'il aurait fait prévenir par le biais du ministre de l'Intérieur de son pays et qui se tiendrait informé en direct de l'évolution de la situation ». Argument qui n'aurait aucunement infléchi la position des agents, qui auraient récupéré le mobile après presque deux heures de négociations.

Un membre de l'entourage d'Al-Khelaïfi a assuré à Mediapart qu'il a « coopéré avec les autorités » et que « personne n'a menacé la police ». Le gouvernement qatarien, qui n'a pas répondu au média, a envoyé deux semaines plus tard, le 21 juillet, une lettre à Catherine Colonna par l'intermédiaire de son Premier ministre. Il s'y plaint du traitement réservé à NAK et estime que la justice aurait pu agir « à un moment opportun après son arrivée à Paris, sans pour autant porter atteinte à sa réputation et à celle du Qatar ». Déjà, en avril 2023, le média Blast avait dévoilé un courrier du gouvernement à la ministre pour se plaindre de l'ouverture de l'enquête, pas légitime selon eux. « Tayeb Benabderrahmane a commis de graves crimes [...] et il est recherché par les autorités judiciaires qataries en raison de ces crimes », aurait alors défendu dans la lettre le Premier ministre.

publié le 2 janvier 2024 à 17h59 mis à jour le 2 janvier 2024 à 18h23
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